29/06/2012

Une histoire peut en sauver une autre


Ou comment les histoires d'enfant continuent à donner une direction à ma vie. 

Encore aujourd'hui, alors que j'ai atteint le vénérable statut  de trentenaire, l'un de mes films préférés reste "Le Voyage de Chihiro", de Myazaki. Je pourrais argumenter sur la qualité intrinsèque de l'oeuvre, mais la vraie raison pour laquelle elle m'est chère ne tient pas à ses qualités artistiques évidentes. 

La première fois que je l'ai vu (je devais avoir 19 ans), dès les premières images, l'ambiance de ce film m'a transportée droit dans mes rêves d'enfants. Et à chaque fois que je le regarde à nouveau, il ne manque jamais de me reconnecter instantanément avec une part primale de moi-même, à la fois sereine et enthousiaste, généralement étouffée par "les réalités de la vie".

Lorsque j'étais enfant, mes rêves préférés auraient sans doute été considérés par d'autres comme des cauchemars. Mais cette notion m'étant étrangère (j'avais à l'époque la capacité de changer de rêve à volonté, et me retrouvai donc rarement "piégée"), je me délectais  des univers étranges et dangereux et des aventures fabuleuses dont mes nuits étaient peuplées.



Ces derniers mois, alors que mon déménagement aux USA se rapprochait, j'ai vu mon anxiété augmenter à l'allure d'un cheval de bataille républicain au galop. Tout à coup, la perspective de vivre dans un pays où des milliers de gens meurent chaque année faute d'assurance maladie, où l'avortement et la pillule ne sont toujours pas des acquis, où il n'y a aucune législation sur les produits chimiques employés dans l'agro-alimentaire et le mobilier et où il y a des pubs pour les armes à la télé était tout simplement terrifiante.


Il y a quelque jours j'ai pris le taureau par les cornes en commençant par me désabonner de toutes les newsletters "Live Organic", "Awareness Brigade", "Vote Obama(care)" et autres excellentes initiatives qui ne font que me déprimer par les injustices qu'elles dénoncent. S'informer, c'est bien, si on a les moyens de faire quelque chose. Comme je ne suis ni citoyenne américaine, ni dans une phase de ma vie où je pourrais dédier beaucoup de temps au militantisme, je vais limiter l'information pour ne pas être consumée par une rage permanente et invalidante devant l'état des choses.
Directement après ce grand ménage, j'ai sorti mon arme secrète, à savoir le film nommé ci-dessus. Et alors que l'euphorie habituelle m'enveloppait, alors que Chihiro découvrait à nouveau l'univers effrayant des bains, je trouvai la solution à ma terreur. J'allais traiter ma vie comme si j'étais dans une histoire. Finalement, ce que je fais en quittant la France pour les USA n'est pas très différent. Je pars dans un monde à la fois magique et dangereux, exactement comme dans mes rêves. Et comme Chihiro, la seule façon de bien le vivre est de prendre les choses comme elles sont, de travailler dur et de ne jamais perdre de vue ma propre identité (ceux qui ont vu le film comprendront).


Cela paraît banal, dit comme ça. Vous me direz "on le sait bien, allez". Mais il y a un monde entre savoir et ressentir. Et je commence à me dire que peut-être certaines choses liées à notre enfance, si nous savons les employer à bon escient et non comme une fuite, peuvent nous aider à être de meilleurs adultes dans un monde où l'espoir est en train de devenir un luxe.

Si vous n'avez pas vu Le Voyage de Chihiro, je vous le conseille grandement. Il n'aura sans doute pas le même effet sur vous (il faut être bizarre pour être rassurée par ce film), mais c'est le chef-d'oeuvre des studios Ghibli.



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